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Le témoignage d’un burn-out, celui d’Isabelle

par Niko
témoignage d'un burn-out du blog mon burn-out à moi

Le témoignage d’une ex brûlée

Aujourd’hui, nous rencontrons Isabelle qui à vécu un burn-out et qui à décidé de quitter son travail pour se reconstruire différemment. Elle est l’auteur du blog http://lescarnetsdubienetre.com, « le blogue du bien être ».

Bonjour Isabelle, peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Je m’appelle Isabelle, j’ai 45 ans. Je suis pharmacien et j’ai toujours travaillé dans l’industrie pharmaceutique dans le domaine de la sous-traitance.

Peux-tu nous raconter ton histoire ?

Lorsque j’ai fait mon burn-out, je travaillais dans une qui produisait des médicaments et des services pour le compte d’autres laboratoires pharmaceutiques. Entrée en 1999 comme Adjointe au Responsable Assurance Qualité. J’ai ensuite pris le poste de Responsable Validation en 2012. C’est une fonction technique dont la mission est de s’assurer que les équipements et les procédés utilisés fonctionnent correctement et sont conformes à toutes les exigences. J’avais beaucoup affaire aux clients (tous étrangers) et aux autorités de santé (inspections). L’industrie pharmaceutique est un domaine extrêmement normé et ce poste demandait une grande rigueur et des capacités rédactionnelles élevées en français et en anglais.

Peu avant mon changement de poste, le groupe propriétaire de l’usine avait mis le site en location-gérance auprès d’un autre groupe de sous-traitance pharmaceutique : usine, machines et salariés avaient tous été transférés au groupe loueur.

Mon burn-out est le résultat d’une charge de travail trop élevée pendant un laps de temps relativement long. Un défaut de ressources récurrent avait conduit l’ingénieur qui occupait le poste de Responsable Validation avant moi à démissionner faut de ne pouvoir obtenir autre chose que des heures de consulting. Certaines tâches avaient déjà commencé à prendre du retard. Au début de la location gérance, l’activité du site a augmenté (nouveaux produits fabriqués, nouveaux équipements réceptionnés) générant un surplus d’activité très lourd pour la Validation. Suite à la démission de l’ingénieur, j’ai proposé ma candidature à trois conditions :

  1. Garder mes mercredis pour mes enfants (temps partiel à 91 % comme mon prédécesseur)
  2. Augmentation de salaire par rapport à celui de mon poste d’adjointe Assurance Qualité
  3. Recrutement d’un adjoint ingénieur pour m’aider dans ma mission (pérennité du service, sécurisation de la fonction, mise en place d’un back-up mutuel en cas d’absence et avoir un adjoint suffisamment autonome pour répartir les projets sur deux personnes.

Mon employeur a accepté mes conditions mais j’ai dû batailler pour que les consultants octroyés à mon prédécesseur finissent les projets sur lesquels il travaillait. Au bout de 8 mois, mon adjointe a été recrutée. Pendant toute cette période, j’étais seule et le retard sur la routine s’était accumulé. Je m’étais focalisée sur les projets pour ne pas entraver la production.

Après avoir été formée à nos procédures, mon adjointe a commencé à travailler essentiellement sur les sujets en retard. Six mois après sa prise de poste, nous avions rattrapé 40 % du passif. Fin 2013 le groupe loueur avait laissé entendre qu’il voulait sortir de la location-gérance. La situation s’est immédiatement crispée entre les deux groupes. L’un disant que les clauses de sorties étaient atteintes alors que l’autre affirmait le contraire. Après une bataille juridique de près de six mois, le loueur est finalement resté contraint et forcé. Cet épisode d’incertitudes a décidé mon adjointe à aller voir ailleurs. Elle a quitté sa fonction un an après son arrivée.

J’ai tout de suite demandé son remplacement mais la DRH m’a expliqué que vue la situation, les embauches étaient bloquées. De toutes manières il nous aurait été difficile de recruter quelqu’un alors que la rumeur d’une restructuration courrait déjà dans le milieu professionnel. Je savais que nous avions sur le site une compétence en validation, la technicienne dont le poste avait été supprimé lors du plan social de 2009. J’ai demandé à ce qu’une mission soit ouverte en interne. Cette technicienne a été déléguée auprès de moi pour une durée de six mois. Cette solution me faisait perdre l’autonomie d’un ingénieur. De plus, cette personne ne parlait pas l’anglais et ne pouvait assurer mon back-up lors de mes absences. Solution insatisfaisante mais qualifiée de temporaire, en attendant que la situation du site se rétablisse.

En mars 2014, je suis restée arrêtée pendant quatre semaines à cause d’une fracture du bras droit. J’ai mis en place une organisation pour travailler depuis chez moi. Cependant, j’étais évidemment bien loin d’être aussi efficace et le gouffre du retard s’est encore creusé.

Lors de leurs audits, certains clients ont commencé à observer le retard accumulé et à demander à ce qu’il soit rattrapé au plus vite.  Début 2014, j’ai envoyé un e-mail pour demander des ressources additionnelles jusqu’à la fin de l’année. Les destinataires étaient le directeur de site (mon hiérarchique direct), le pharmacien responsable et la DRH du site. L’un m’a demandé si on pouvait trouver de l’aide dans le groupe (solution inadaptée car les personnes ne parlent pas le français) ou sur le site (pas de compétences disponibles), l’autre m’a dit de rattraper le retard des clients qui réclamaient (ça ne solutionnait pas le problème de fond) et la dernière n’a rien dit du tout.

Le retard du service validation a été traité en réunion de comité opérationnel (cadres et direction) en avril 2014 alors que j’étais en arrêt maladie pour cause de fracture au bras. Il a été décidé de requérir l’aide des autres services pour faire ce que je n’arrivais plus à faire. La « décision » n’a été suivie d’aucun acte. Les autres services étaient déjà assez débordés avec leur propre travail sans avoir besoin de se charger de tâches qui n’étaient même pas de leur responsabilité. La situation a stagné, évoquée mainte fois en réunions. Tout le monde savait que le service validation était sous l’eau.

Un plan social a été lancé en juillet 2014 avec les premières discussions entre la direction et le Comité d’Entreprise (CE). Comme les rumeurs allaient bon train sur les postes supprimés et que les informations fuitaient, le CE a affiché le projet du Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) pour que tout le monde ait le même niveau d’information. Je me suis aperçue que dans le projet d’organigramme, l’adjoint validation avait disparu. La mission temporaire que j’avais pu mettre en place n’était même pas transformée en poste de technicien validation. En plus de cela, je descendais de deux niveaux hiérarchiques : je me retrouvais à dépendre des exécutants de mes protocoles de test ! Impossible de conserver mon libre-arbitre dans cette organisation. Ce n’était pas intenable. J’ai demandé à voir la DRH et je lui ai dit que je ne resterais pas dans une entreprise qui ne voulait pas me donner les moyens d’exécuter correctement ma mission. La direction a finalement revu l’organigramme pour le service validation et a créé un poste de chargé de validation. Un libellé imprécis qui autorise à embaucher n’importe quel profil, technicien ou ingénieur. La technicienne validation a pris la fonction proposée en janvier 2015.

En plein plan social, le loueur a fermé un site de production en Europe et a réparti les activités sur ses autres sites dont le conditionnement d’un produit sur le notre. Plusieurs équipements à transférer, à acheter ou à adapter. Une prévision d’activité conséquente pour mon service et aucun budget alloué parce que le client ne payait rien vu que le transfert n’était pas réalisé à sa demande. Manifestement le groupe ne voulait pas payer non plus : il fallait compter uniquement sur les ressources internes.

Encore une fois, j’ai laissé tomber la routine et tous les sujets non prioritaires pour mettre toutes les ressources du service sur transfert du nouveau conditionnement. Le retard a pris des proportions abyssales. Je travaillais de plus en plus. Lorsque je devais sortir à 17h30 pour récupérer ma fille à la garderie, je me reconnectais à la maison ou j’emportais mon portable pour terminer mes rapports chez moi. J’ai commencé à sauter les RTT du mercredi, à sortir tard chaque soir où mon conjoint pouvait récupérer ma fille à la garderie. Je sortais tellement tard que l’agent de sécurité du site venait me faire partir pour pouvoir fermer le site. Fin 2014, j’allais mal, je dormais de moins en moins, j’avais des palpitations cardiaques presque tous les soirs, j’étais de moins en moins efficace dans mon travail, de plus en plus épuisée. Je me réveillais fatiguée et j’avais régulièrement des chutes de tension et des vertiges.

Avec le plan social, une psychologue du travail était à disposition des salariés et je suis allée la voir pour qu’elle m’aide. Je lui ai raconté toute l’histoire. Elle m’a alertée sur les risques de burn-out et m’a dit de faire un état des lieux du retard accumulé à fin 2014 puis de demander des ressources. Elle m’a dit que si celles-ci ne m’étaient pas accordées ce n’était pas de ma responsabilité. J’ai chiffré le retard à fin 2014 et j’ai évalué le besoin à une personne équivalent temps plein jusqu’à la fin 2015. J’ai aussi listé les risques à ne pas rattraper ce retard. J’ai demandé une entrevue au directeur de site début février 2015 qui m’a dit qu’il était d’accord pour que je recrute mais qu’il fallait que je prenne plus qu’une personne « je suggère même de t’adjoindre deux personnes plutôt qu’une, afin d’accélérer le rattrapage ». Il y avait urgence mais j’avais gaspillé mes forces au-delà des limites acceptables. J’ai immédiatement commencé les recrutements.

Peu après, le site a reçu une notification d’inspection des autorités américaines du médicament (la Food and Drug Administration – FDA) pour juin 2015. La pression est encore montée : il fallait rattraper le retard avant cette date ! Faute d’intérim qualifiés sur le marché, j’ai demandé à la DRH de prendre des consultants spécialisés. Selon le directeur l’argent n’était pas un problème. Le loueur devait rendre le site à son propriétaire avec tous les agréments dont il jouissait au début du contrat de location-gérance. Comme tout le monde avait la trouille que nous perdions l’agrément, des inspections à blanc multiples ont été programmées pour vérifier si nous étions prêts.

Quatre inspections à blanc étaient programmées sur mars et avril 2015. Chaque inspection dénonçait le retard accumulé et l’impérieuse nécessité de le résorber avant l’inspection de juin 2015.

Mon entretien annuel d’évaluation a eu lieu début avril 2015 : cet entretien permet au responsable de vérifier l’atteinte des objectifs de l’année précédente et de fournir des objectifs pour l’année qui vient. Normalement il se tient en fin d’année mais cette année-là, c’était encore pire que les autres. Définir des objectifs pour l’année au début du deuxième trimestre n’a aucun sens. Le directeur du site qui menait l’entretien a commencé par me dire « Merci d’avoir tenu le coup jusqu’à maintenant ». J’ai compris qu’il savait pertinemment que j’avais trop de charge de travail puisqu’il disait que j’avais « tenu le coup ». Puis il a ajouté « Il va te falloir prendre encore de l’EPO jusqu’en juin ! » Pour moi, c’était comme si j’entendais : « C’est bien brave bête ! Continue comme ça ! » Les objectifs étaient délirants avec des délais réduits au maximum. Tout devait être fait pour juin. L’année tenait en trois mois. Leur réalisation impliquait d’autres services. C’était infaisable. J’ai l’impression que cet entretien a cassé quelque chose en moi. Quelques jours après je me suis dit que je pourrais bien me tuer à mon travail, tout ce que je gagnerais ce serait un « Merci ! Continue ! ». Je pense que c’est lorsque j’ai pris conscience de ça que mon travail a perdu tout son sens.

Un consultant est arrivé dans mon service fin mars 2015. J’ai cherché un deuxième intervenant pour renforcer les ressources. J’ai finalement embauché une intérim qui a débuté début avril 2015. Le 15/04/2015, elle m’envoyait un message pour m’informer qu’elle laissait tomber la mission parce qu’elle ne se sentait pas de taille à faire le travail demandé ! Alors que je cherchais encore un deuxième consultant, je venais de perdre mon intérim.

Le matin de la troisième inspection à blanc, je me suis écroulée en larmes dans mon bureau, incapable de me contrôler et d’aller répondre aux questions des auditeurs. Je ne voulais plus entendre dire que mon service avait du retard. J’ai quitté le site en début d’après-midi sans avoir pris mon repas mais après avoir rangé mon bureau et laissé un mot à ma collègue qui était absente ce jour-là. Je suis rentrée à la maison comme un automate. Je ne ma rappelle pas de la fin de cette journée. Je me disais que j’allais revenir au bout de deux ou trois semaines mais non, les dégâts étaient bien plus profonds que je ne le pensais.

Après beaucoup d’errances thérapeutiques, c’est l’EFT (Emotional Freedom Technique), la naturopathie, la réflexologie plantaire et la psychothérapie (Thérapie Cognitivo-comportementales) qui m’ont aidée à remonter la pente petit à petit. Le plus gros du ce travail de reconstruction personnelle, je l’ai effectué avec ma psychologue. Un travail de reconstruction, pour retrouver la confiance en soi, absolument indispensable pour arriver à se relever de cette épreuve efficacement et durablement. Arrêtée pour maladie jusqu’en octobre 2016, j’ai ensuite été licenciée pour absence prolongée.

Aujourd’hui tu en es ou ?

Une fois ma reconstruction personnelle terminée, j’ai compris que plus jamais je ne pourrai travailler dans ce domaine professionnel qui avait été le mien pendant pratiquement 20 ans; J’ai engagé un coach pour construire un projet professionnel de reconversion en accord avec moi-même.  Je voulais pouvoir prendre une décision éclairée sur mon avenir professionnel. Aujourd’hui je suis au début de ma nouvelle vie professionnelle : j’ai décidé de devenir sophrologue professionnelle. Je commence ma formation bientôt. Je suis contente d’être à nouveau dans le flux.

J’ai décidé d’écrire mon témoignage pour m’aider à digérer cette épreuve et pour partager. Je ne donne ici qu’un résumé. Un jour, je ne sais pas quand, je publierai l’intégralité de ce témoignage en espérant que celui-ci aide à mieux connaître et à mieux comprendre le burn-out pour qu’il soit aussi mieux pris en charge.

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui se trouve dans cette situation ?

A toutes les victimes du burn-out, je dis : prenez le temps qu’il faut pour vous remettre. Faites-vous aider par des thérapeutes compétents et sensibilisés au burn-out. Vous réussirez forcément et une nouvelle vie vous attend ensuite. Des associations d’aide aux victimes du burn-out existent (France Burn-out par exemple), sollicitez-les, contactez-les pour connaître vos droits et ne pas vous laisser abuser à un moment de votre vie où vous êtes particulièrement vulnérable. Vous sortirez plus fort qu’avant de cette épreuve. Peut-être qu’aujourd’hui vous vous dites que je raconte des âneries mais un jour, vous verrez que vous serez guéri. Alors vous pourrez retrouver un chemin que vous aviez perdu pour un temps et vous pourrez de nouveau vous épanouir professionnellement et personnellement.

Merci isabelle pour ce partage d’expérience, qui je pense parle à beaucoup d’entre nous !!! Isabelle est également l’auteur du blog http://lescarnetsdubienetre.com (le blogue bien-être), n’hésitez pas à y aller faire un petit tour, ça détend 😉

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À votre santé

niko

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