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Ce burn-out a finalement été une bénédiction: je me suis enfin trouvée

par Niko
témoignage armelle burn-out

Aujourd’hui c’est Armelle qui à accepter de se dévoiler, un grand merci à elle pour ce partage !

 

Ma présentation

Je ‘appelle Armelle, j’ai 43 ans. Je suis Psychanalyste en libéral et chercheuse, Auteure et Directrice de collection.

témoignage Armelle Vautrot

As-tu toujours fait ça ?

L’activité éditoriale fait partie de ma vie depuis plus de 15 ans. J’ai d’abord été auteure dans différentes maisons d’édition (Hachette, Larousse, Nathan, Vuibert…) et depuis 10 ans, je collabore avec Bordas et je dirige deux collections.

Cette activité a toujours été une activité secondaire mais une vraie soupape de respiration et de créativité à côté d’une activité principale qui était l’enseignement depuis 20 ans.

J’ai changé de métier mais j’ai gardé cette activité annexe qui est un peu ma récréation intellectuelle.

 

Pourquoi as-tu changé de voie ? et pour quelle raison as tu changé de métier ?

D’abord, je dois dire que je suis intellectuellement boulimique.

J’ai perpétuellement besoin d’apprendre mais aussi de créer, d’inventer, de réfléchir, d’analyser.

J’ai commencé à enseigner à 20 ans, la musique d’abord, puis j’ai fait un cursus « traditionnel » en Sciences Humaines (spécialisé en Linguistique/Littérature/Science du langage) jusqu’à Bac+5 et les concours de l’enseignement donc la voie royale.

J’ai toujours eu envie d’enseigner mais aussi d’aider les autres.

Lors de mon orientation après le bac, j’avais hésité entre ces deux envies (je dirais presque ces deux besoins) d’orientation professionnelle. J’ai cru que le professorat me permettrait de lier les deux, d’autant que je me destinais à enseigner dans le 93 donc dans des zones éducatives disons…compliquées.

Je me disais que là, je serais « utile ».

Dans l’enseignement, j’ai un peu tout essayé: le primaire, le collège, le lycée et surtout l’Université où je suis restée 10 ans et la formation des futurs et nouveaux enseignants (en IUFM puis en ESPE).

J’ai ainsi vu passer un certain nombre de réformes, notamment dans la formation des enseignants et je dois dire que je sentais ma fonction peu à peu s’appauvrir, se dénuer de sens.

Je voulais aider mieux que cela les enseignants qui débutaient, surtout dans des zones difficiles, mais le système ne me le permettait pas: formations pas adaptées aux besoins, appauvrissement du temps de formation, dénigrement de la profession d'enseignant, niveau des postulants parfois dramatique...

J’ai diversifié mes activités pour enrichir ma mission d’enseignement: je me suis formée au théâtre, au conte (notamment au conte thérapeutique), à la musicothérapie puis beaucoup au handicap avec une vraie spécialisation en direction de l’autisme pour travailler ensuite à l’inclusion scolaire mais aussi aider les personnels enseignants et éducatifs qui exerçaient en IME donc au contact de ces enfants et adolescents à troubles autistiques.

Je me suis formées à la Gestion du stress en établissement hospitalier, notamment par la méditation (dite de pleine conscience) afin d’aider les enseignants mais aussi les élèves à être bien dans la classe, à travailler dans la bienveillance et l’écoute.

Malheureusement, je ne rencontrais pas cela de mon côté, au sein de l’université.

Je trouvais le système fermé, les collègues blasés ou obtus.

J’avais le sentiment de stagner. J’en ai parlé à mon Inspectrice. C’était une femme très ouverte et généreuse. Elle a salué mon parcours et identifié mon orientation déjà thérapeutique.

Elle-même prônait le yoga en établissement scolaire: nous avions de réels points d’accroche. Elle m’a dit qu’avec mon pedigree, je ne pouvais « monter » dans l’Education nationale qu’en prenant un poste de direction.

Sinon, selon elle, j’allais « gaspiller » mes compétences à un niveau qui ne les valorisait pas. Ou alors il me faudrait un jour changer de discipline ou d’orientation.

J’aime les défis: j’ai accepté le challenge du poste de direction et j’ai cru, surtout, que j’allais encore apprendre d’autres choses, découvrir encore un autre environnement professionnel, développer de nouvelles compétences et « être utile », là encore.

La descente aux enfers a été très rapide: j’ai été littéralement broyée par une hiérarchie réfractaire à toute innovation qui a cassé chacune de mes initiatives et a instauré un climat de défiance et très vite de dénigrement autour de chacun de mes gestes professionnels.

Je n’étais plus la « super prof », pleine d’inventivité et aux compétences multiples. J’étais devenue « une grosse vache », « débile », « incompétente », « bonne à rien », « un boulet » et j’en passe et des meilleurs.

Mon équipe me soutenait, heureusement, car avec eux, localement, tout se passait formidablement bien.

Mais c’est au-dessus et au niveau de mes homologues que le système s’est déréglé.

Je me faisais tout simplement « flinguer » dès que j’ouvrais la bouche et quand je ne disais rien ou étais absente, c’était encore pire: on me répétait ensuite les horreurs dites dans mon dos.

J'ai commencé à avoir de gros problèmes de santé: hypertension, insomnie, douleurs névralgiques handicapantes sur toute la partie supérieure du corps (je ne pouvais plus conduire, plus taper à l'ordinateur, plus saisir et encore moins porter le moindre objet, serrer la main...).

J’ai pris 20 kilos en quelques mois, mon cœur s’est emballé au point de faire très peur à mon médecin qui me disait que j’allais droit vers l’infarctus et que j’allais « imploser » (c’est son mot) ou faire un AVC.

Je sentais mon corps m’échapper et mon cerveau était en ébullition permanente car j’avais peur de tout ce que je pouvais dire, faire ou même penser car je sentais qu’on attendait que je craque pour m’enfoncer davantage.

Mon corps a finalement complètement lâché: j’ai été arrêtée plusieurs mois. J’avais cependant très vite senti ce qui se passait (bien avant d’être en arrêt) et j’avais déjà envisagé de changer de travail.

Pour cela, j’avais repris une formation sur 3 ans en cours du soir en…psychanalyse dans une Fédération.

En fait, en cherchant comment gérer (émotionnellement, psychiquement, intellectuellement) ce qui m’arrivait, j’avais atterri sur le divan d’une super psy.

Et comme je suis un peu « jusqu’aboutiste », en plus des consultations, j’ai fait cette formation. Pour vraiment bien comprendre.

Cela m’a reconnectée à mon désir enfoui d’orientation professionnelle: aider les autres.

Je voulais toutefois un « vrai » diplôme.

J’ai alors cherché dans quelle université je pouvais aller plus loin que les cours de soir: j’ai postulé en Master Psychanalyse à l’université de Montpellier en enseignement à distance et j’ai été prise.

J’ai obtenu mon Master du 1er coup et avec mention Très Bien, s’il vous plaît!

Je me suis spécialisée en Psychopathologie du traumatisme et mon objet de recherche est l’écriture après un traumatisme; je travaille sur les écrits produits après l’attentat du Bataclan.

Ce Master a été une aventure formidable. D’abord, entre ce diplôme à Bac+5 et ma formation en Fédération, j’étais autorisée à exercer en libéral (ce qui me rendait libre!) et surtout, j’apprenais à aider les autres tout en m’aidant moi.

Et dans le cadre de mes recherches, j’ai rencontré des rescapés du Bataclan et ça a été une grande leçon de vie.

 

Comment à réagi ton entourage ? Ont-ils compris ce qu’il t’arrivait et t’ont ils soutenu, accompagné ?

Mes enfants et mes parents m’ont vue aller de plus en plus mal, rapidement.

Le pire a été l’atteinte névralgique. On m’a fait quantité d’examens car on a d’abord cru à un cancer, puis à un zona et enfin à une sclérose en plaques.

Ces diagnostics n’étaient pas rassurants et les douleurs si invalidantes que ma vie personnelle en était totalement abîmée, amoindrie.

J’avais mal du soir au matin et du matin au soir, cela ne s’arrêtait jamais et je ne pouvais plus me servir de mes bras, de mes mains, je n’avais plus aucun contrôle sur les membres supérieurs.

Moi qui suis super dynamique, j’étais épuisée, vidée.

Mon équipe savait ce que je subissais, ils ont alerté des collègues, des délégués syndicaux qui ont été d’une aide précieuse car je ne me sentais ainsi pas isolée dans le cadre professionnel.

J’ai aussi été très accompagnée par une psy formidable mais aussi le médecin du travail, d’une humanité rare.

Elle a posé les mots sur ce que je vivais en parlant de harcèlement moral au travail; on m’a parlé de traumatisme et de stress post-traumatique.

Ces soutiens médicaux ont permis à mon entourage de comprendre ce que je vivais aussi.

Le fait que la médecine du travail valide mon projet de reconversion a été important pour moi.

Je me disais que ce n’était pas une folie ou un caprice. Mais mes enfants, mes parents et mes amis proches ont eux aussi soutenu mon projet, ma reprise d’études.

Ils y ont cru pour et avec moi. Surtout que plus rien ne m’arrête: je suis en Doctorat maintenant!

Cela a nécessité une adaptation de la vie de famille: j’avais beaucoup de travail de lecture et de production écrite à faire.

A aucun moment je n’ai été entravée dans ce projet, c’est aussi pour cela que je continue sereinement.

 

As tu une routine journalière pour te sentir bien ?

Avec le médecin du travail et la psy, j’ai dû beaucoup réfléchir à comment faire pour que le reste de ma vie me préserve d’un autre burn out.

Car on le sait: on tombe généralement dans ce genre de pathologie parce qu'on est très/trop perfectionniste, consciencieux, investi, engagé professionnellement.

On veut toujours bien et mieux faire. On ne compte pas ses heures. On s’oublie… Donc on peut y retomber, même en changeant de travail.

J’ai pris conscience que j’étais à la moitié de ma vie et je me suis demandé ce que je voulais pour la moitié qui me restait: équilibre, épanouissement, curiosité, sérénité…

J’ai donc décidé de prendre soin de moi et d’organiser ma vie de manière à ce que cela soit possible.

Je fais 20 à 30 minutes de méditation de pleine conscience chaque matin et 30 à 40 minutes de marche quotidienne (ce que je n’avais JAMAIS fait avant) pendant lesquelles je prends le temps de solliciter mes sens pour être pleinement dans l’instant (j’écoute, je sens, je touche, je m’arrête, je contemple, je repars).

J’en ai même fait une approche thérapeutique innovante pour mes patients: le Walk and Talk!

J’ai remis de l’équilibre dans mon alimentation (et perdu à ce jour 20 kilos) tout en restant dans le plaisir (impossible de ne plus manger de chocolat par exemple!).

J’ai trouvé des activités physiques que je pouvais faire deux fois dans la semaine, qui soient agréables et pas douloureuses pour mon corps qui avait été sévèrement meurtri.

Alors je fais de l’aquavélo et de la barre à terre. Et j’ai organisé mon temps de travail entre mes consultations au cabinet et ma recherche universitaire, sans que l’un déborde sur l’autre et je m’y tiens.

Et surtout, je respecte le we. Avant, je travaillais finalement 7 jours sur 7 et le médecin du travail m’a alertée là-dessus.

 

Comment comptes tu aider les autres (à travers des formations, des ateliers, des séances en présentiels….)

J’en ai fait un métier, du coup! Je dois dire que mon métier de thérapeute me remplit de joie.

Je me sens enfin totalement et pleinement à ma place, « dans mon axe » me dit une amie.

Je suis au contact de l’humain, je découvre à chaque nouveau patient (enfant, ado ou adulte) des sensibilités singulières, des vécus, des histoires et je me sens totalement en phase avec ce que je fais avec chacun d’eux.

Je sais que ma propre expérience facilite l’empathie et j’en fais donc une force.

J’écoute, je comprends, j’analyse, j’aide.

Ce burn-out a finalement été une bénédiction: je me suis enfin trouvée.

Et je suis enfin vraiment utile. Dans la recherche universitaire, je travaille sur le psychotraumatisme et donc forcément, là aussi, ce que j’ai vécu m’aide et me porte. Là aussi, je me sens à ma place.

 

Si tu avais un conseil à donner à des personnes en stress chronique et en burn-out ?

J’en reçois à mon cabinet. D’abord je les aide à comprendre ce qui, dans leur personnalité, les amène à être victimes de stress chronique et d’un burn out. Pour en saisir les mécanismes. Et pour que ces faiblesses (perfectionnisme, engagement…) soient identifiées et deviennent des forces par la suite.

Ensuite je décortique avec eux les influences extérieures: les situations, les personnes…tout ce qui favorise cet état (tout ce qui est toxique finalement) et qu’il va donc falloir apprendre à débusquer et éviter.

Enfin, je les aide à se reconnecter à eux, à leur ressenti, à leur présent avec la méditation et la marche, pour qu’ils apprennent à désamorcer les situations de stress.

La gestion de ces émotions peut/doit éviter la dérive pathologique.

J’ajoute que pour certains patients, j’accompagne un projet de reconversion professionnelle ou de réorientation (pour des ados scolarisés) car si l’on souffre là où l’on est, il faut parfois savoir complètement s’en extraire et créer un nouvel environnement, plus favorable à l’épanouissement et la sérénité.

Si j’ai pu le faire, c’est à la portée de tous…j’en suis convaincue. 😉

Armelle

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1 commentaire

Bénédicte 14 septembre 2022 - 20 h 28 min

Bonsoir,

Je suis extrêmement touchée par ce témoignage car j’ai l’impression de lire mon histoire. Moi aussi j’ai perdu l’usage de mes bras, j’ai été cassée par ma hiérarchie (aussi dans une université) avec une cheffe spécialisée dans le développement personnel et je compte faire une reconversion dans l’aide aux autres. Contrairement à Armelle, je ne suis pas encore sortie de ce burn out, mais la lire me donne de l’espoir. Merci pour ce témoignage!

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