Le récit douloureux de Patrick, un brûlé qui tente avec courage de se reconstruire. Merci à lui d’avoir partagé cette expérience marquante et douloureuse de sa vie.
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« MERCI POUR VOTRE SITE ET POUR VOTRE CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE ET LA RECONNAISSANCE DU BURN-OUT ! TOUTE MA RECONNAISSANCE »
Table des matières
Son histoire et comment tout à commencé
Voici une toute petite partie de l’histoire de mon burn-out. J’ai travaillé 15 ans et demie dans cette entreprise, 15 ans à encaisser, à se faire rabaisser, les menaces de pertes d’emploi les drames humains puis l’agression de juillet 2016 et enfin la poussée vers la sortie et moi qui nageait à contre-courant et qui tentait de tenir coûte que coûte jusqu’à ce 10 décembre où je craquais très sévèrement.
J’ai tenu bon, amélioré les choses, augmenté ma production, changer ma personnalité,
je me suis adapté, je me suis tut, j’ai encaissé, j’ai lutté et tout ça pour cela pour que tout finisse en eau de boudin!
J’ai donné tout ce que je pouvais, plus ce n’était pas possible!
Ma première alerte arriva en 2013 où pendant mes vacances je fis des rêves sur le boulot absolument tous les jours de mes vacances mais je me dis que ça passerait, alors je retournai travailler. Mais quelques semaines plus tard, je rêvais de nouveau tous les jours du travail et je me sentais extrêmement fatigué voire totalement épuisé.
Comme j’avais l’impression de me traîner comme une personne de 70 ans et que j’étais dans un état mental catastrophique, à bout de force, je décidais de consulter un médecin en octobre. J’avais fait, sur un petit papier une liste de tout ce qui n’allait pas physiquement et mentalement chez moi, Arrivé chez le médecin je lui tendu ce petit bout de papier et je fondis en larme en lui racontant mes soucis de boulot. Là elle me prescrit deux semaines d’arrêt maladie et une prise de sang,
– Mais … j’ai laissé le bordel sur ma place de travail, vous ne pouvez pas mettre l’arrêt à partir de mercredi lui ai-je demandé
– NON, c’est un ordre ! Tout de suite!
Je travaillais du mardi au samedi et nous étions lundi, mon jour de congé. Je réfléchis toute la nuit pour savoir si j’y allais quand même le mardi juste pour remettre de l’ordre puis je décidai le matin d’aller travailler et de ne donner l’arrêt seulement le jour suivant afin de remettre de l’ordre et de me sentir ainsi mieux avec moi même.
Je me présentai au travail le mardi et je commençai à remettre de l’ordre mais ça ne suffit pas, je retournai donc le mercredi puis le jeudi puis le vendredi et fort heureusement je fis de nouveau un rêve sur le boulot dans la nuit du vendredi au samedi. Je me dis donc non mais là, ça ne va plus! Je parti donc travailler le samedi et à la fin de la journée je donnai à un de mes responsables l’arrêt pour la semaine qui suivait.
Mon 1er arrêt maladie
Une fois en arrêt je fis mon analyse de sang et l’on découvrit que j’avais du diabète. Je réussis à améliorer mon taux de glycémie après de gros effort et j’allai mieux physiquement, je mis donc toutes mes angoisses sur le dos du diabète je me dis que mes problèmes professionnels étaient donc réglés et que tout irait forcément mieux. Mais ce diabète type II était l’arbre qui cachait la forêt. En Août 2014 en allant au boulot j’appris une terrible nouvelle, le fils d’un collègue que je connaissais s’était suicidé. Ce collègue ne revint jamais travaillé et comme je fus déstabilisé car lorsque l’on travaille depuis plus de 15 ans avec quelqu’un on n’a plus besoin de se parler pour comprendre ce que doit faire l’un ou l’autre.
Les trois patrons décidèrent par la suite d’embaucher des jeunes pour remplacer le collègue dont le fils venait de disparaître tragiquement. Les trois patrons les postèrent donc dans l’atelier mais sans les former, moi, je bossais comme un fou mais une difficulté supplémentaire s’ajouta, les deux jeunes n’arrêtaient pas (et ce n’était pas de leurs faute) de me demander « Patrick je fais quoi maintenant, Patrick tu peux me donner quelque chose…. » ça n’arrêtait pas!
Moi je commençai à faire de plus en plus de conneries, je luttais et je commençai à avoir de plus en plus de problèmes de concentration.
Après cela, des travaux prévus dans l’immeuble commencèrent et ce fut le début de la fin! Des conditions IMPOSSIBLES, je sais maintenant avec le recul que JAMAIS je n’aurais du accepter de travailler dans de telles conditions. Je travaillais quasi au milieu des marteaux piqueurs avec des appareils démontés, des vis d’un côté et de l’autre, des outils dans un endroit et dans un autre à côté des patrons qui engueulaient l’architecte TOUS les jours puis les jeunes qui continuaient à me demander ce qu’ils devaient faire.
Le mardi 9 juin 2015
Le mardi 9 juin 2015 fut le jour le plus traumatisant de ma vie. J’arrivai au travail et l’on m’annonça que l’un de nos trois patrons s’était suicidé. Malgré ça, là encore, les deux autres patrons décidèrent de ne pas fermer le magasin. Je continuais donc mon travail mais pour réparer, je n’y arrivais quasiment plus et quand je servais les clients je devais me retenir de ne pas pleurer , c’était extrêmement voire même impossible. Cette fois ci, je faisais encore plus d’erreurs, je n’arrivais plus à me concentrer, je n’arrivais plus à réfléchir.
Le mal qui me rongeait, le patron disparu l’avait aussi mais lui le stoppa d’une façon tragique. Je ne me suis jamais remis de ce traumatisme supplémentaire! J’avais été embauché par deux des trois patrons dont celui qui venait de se donner la mort. Je n’ai plus peur de le dire maintenant mais ce patron qui s’était donné la mort avait été souvent odieux avec moi et ce pendant des années EXCEPTE pendant les trois dernières semaines de sa vie, quand il avait déjà décidé de faire ce qu’il a fait.
Trois ou quatre semaines avant ce drame, il se comportait avec moi comme il ne s’était jamais comporté auparavant et comme j’aurais tant aimé qu’il soit avec moi pendant les 15 années précédentes. Il était prévenant, bienveillant et clarifiait chaque malentendu, il venait me voir, me rassurer me parler. Le contraste entre tous ces gestes bienveillants et les comportements odieux qu’il avait eu envers moi me fit beaucoup souffrir. Je savais que c’était un gars bien mais je lui en voulais. En effet pourquoi n’avions nous pas pu avoir ces relations de travail qu’il a eu avec moi uniquement les dernières semaines de sa vie? Je ne me relevai plus ! Surtout que dès sa mort, j’ai eu la sensation que les valeurs humaines de la boîte avaient été incinérées avec son corps.
Pendant son enterrement un collègue appris de la bouche de la femme d’un des deux patrons restant qu’un autre collègue allait être viré prochainement. Je fus sidéré quand j’appris ça ! Puis, un de ces deux patrons critiqua la façon de faire de son associé décédé, et se vantait que lui ferait d’une autre manière!
En avril 2016
Moi, je tombais de plus en plus bas en entendant ceci. En avril 2016 je savais que j’étais très fragile et aussi très fébrile. J’avais de plus en plus de peine à me concentrer. Ce que je faisais avant en 15 minutes, il me fallait maintenant plus d’une heure pour l’accomplir. Comme je voyais mon médecin régulièrement cette fois ci à cause du diabète, je décidai de lui parler de cette difficulté mais je ne parvint pas à lui décrire cette difficulté.
Je passai aussi au syndicat des frontaliers pour communiquer mon mal être au travail et ils m’expliquèrent que dans un tel cas, il n’y a qu’une seule solution: partir et ajoutèrent qu’il fallait être suivi. Je me souviens alors d’avoir pensé au salaire, à la maison à payer etc… je me souviens aussi d’avoir décidé en moi « il faut que je tienne le plus longtemps possible! ».
Au travail, je faisais ce que je pouvais mais je n’avais plus toutes mes capacités. Il m’arrivais même alors de payer des pièces détachées de ma propre poche pour que les erreurs que je faisais à cause de cet état mental.
En juin 2016, je me suis fait agresser
En juin 2016 quand arriva l’anniversaire de la mort de ce patron je pleurais presque tous les jours. Cette année là je pris mes trois semaines de vacances fin juin, plus tôt que d’habitude et c’était bien ainsi car je n’en pouvais plus. Grâce à ces vacances je réussis à me remettre en état. Quand je revins à mon poste de travail j’étais de nouveau en forme et très motivé. Mais un évènement inattendu me tomba dessus. Je me fis agresser par un des patrons. JE ME FIS AGRESSER j’aime à le répéter car ça m’a beaucoup marqué et dès que quelqu’un minimise ce que je raconte sur cet incident ou ne me croit pas je sombre.
Donc, je me suis fait agresser :
Voilà comment ça s’est passé: Un client était au magasin pour demander où en était le devis de son appareil. Je cherchai son devis dans la pochette des devis mais elle n’y était pas. Travaillant depuis plus de15 ans dans cette entreprise et connaissant les habitudes bonnes ou mauvaises de chacun je décidai de chercher ailleurs c’est à dire sur le bureau du patron qui était en vacances (j’avais bien vu, c’est en effet sur sa table que je le trouvai).
Le second patron en me voyant fouiller m’engueula très fortement. Je ne me laissai pas faire, il faut dire que j’avais retrouvé des forces grâce aux vacances, il monta encore plus le ton en m’engueulant, en m’invectivant et en me jetant des généralités du genre « toi tu ne fais jamais de feuille…etc etc.. » . Je décidai donc de quitter le bureau, il était rouge de colère et il était impossible de placer le moindre mot je traversais le magasin, il me suivit tout en continuant à m’invectiver extrêmement fort alors je me dirigeai à ma place de travail mais il me suivit de nouveau tout en continuant à m’engueuler dans une rage complètement folle puis il se mit à genou devant moi tout en criant il joignit ses deux mains comme s’il voulait prier et, en gueulant comme un fou il me dit « c’est comme ça que je dois te parler hein c’est ça, je dois te parler doucement c’est ça? », ça devenait insupportable alors je quittai ma chaise et je me dirigeai vers l’atelier mais de nouveau il me suivit rouge de colère tout en continuant de m’engueuler extrêmement fort.
A ce moment, je m’arrêtai net et je lui lançais « ça suffit ! je ne mérite pas ça! Si ça continue j’irai voir l’inspection du travail », il eut peur et descendit de suite son ton et me proposa calmement de parler seul à seul. Mais le fait que je lui dise ça n’a pas arrangé la situation, bien au contraire car je ne suis pas allé voir l’inspection du travail et il monta l’autre patron contre moi. Quelques semaines passèrent et l’ambiance était tendue, je savais qu’il me cassait du sucre sur le dos auprès de son associé qui ne me disait plus bonjour et ne m’adressait plus la parole.
Le vendredi 9 décembre
Enfin arriva l’ultime semaine. Le vendredi 9 décembre je me sentais extrêmement fragile psychologiquement et je téléphonais à ma médecin pour un rendez vous. Le lundi, qui était mon jour de congé était complet je pris donc rendez vous pour le mardi en me disant que si ça allait mieux lundi je l’annulerai pour être quitte de manquer au travail. Le lendemain au travail j’étais dans un état psychologique déplorable et tout ce que j’entreprenais échoué, j’étais mal, maladroit, fébrile et je me sentais sombrer,
j’avais de grands moments de crises de paniques et d’énormes crises d’angoisse.
Je n’arrivais plus à penser du tout et je tremblais sans raison apparente. Le soir ma femme avait son repas de noël au travail et nous avions convenu que lorsqu’elle me téléphonerait je partirai pour la chercher à côté d’une station de lavage.
Quand elle me téléphona je partis donc en voiture pour la rechercher mais une fois arrivé sur les lieux, je ne l’aperçu pas de suite et comme j’étais dans la confusion totale, je me dis que je n’avais sûrement pas du bien comprendre car je ne l’avais pas vu. Je fis donc un petit tour en voiture à côté pour voir si c’était plutôt à cet autre endroit qu’elle m’avait dit de la retrouver mais ce n’était pas le cas, je retournai donc près de la station de lavage et je l’aperçu.
Quand elle monta dans la voiture elle me fit la remarque qu’elle m’a vu passer sans que je ne m’arrête et là, cette simple remarque est devenue énorme alors que je conduisais je fut pris d’une crise de colère et de très grosse larmes et tout se mélangea dans ma tête, je criai « mais arrêtez tous de me foutre la pression j’en ai marre !!! »
Je tapais sur le volant de toutes mes forces en pleurant et en repensant à toute ma vie j’arrêtai la voiture et sorti en courant je voulais partir ne plus revenir tout quitter me sauver de tout.
Ma femme eut très peur en me voyant dans cet état et elle a senti que j’étais pris à tout, y compris au pire. Elle couru et fini par me rattraper, je pleurais de toutes les larmes de mon corps, je tremblais. Elle me rassura et me dit qu’il faut que je me fasse arrêter.
Le dimanche je le passai à écrire des mails de demande d’aide à droite et à gauche ainsi qu’à l’inspection du travail où je décrivis ma situation et l’état dans lequel je me trouvais. Le fait de faire ça me soulagea.
Le lundi je décidai que je ne devais pas me faire arrêter avant de remettre de l’ordre au boulot et de régler quelques dossiers. Je téléphonais donc au médecin pour annuler le rendez vous pris. Mais quelques heures plus tard une médecin conseil de l’inspection du travail me téléphona. Je lui racontais mon histoire au travail et je n’arrêtais pas de pleurer et de sangloter en lui racontant. Elle me dit il faut vous arrêter de SUITE! Je repris donc le rendez vous chez le médecin.
Le lendemain je téléphonais au boulot pour dire à mon chef que je ne viendrais pas bosser car je n’étais pas bien. Pendant que je lui parlais je pleurais de nouveau. Il comprit qu’il n y avait pas d’autres solutions.
Malgré mon état le mardi, je doutais encore du fait que ma médecin me donne un arrêt de travail mais une fois dans son cabinet, à peine les premiers mots prononcés que je m’effondrai. Je sanglotais et je tremblais en racontant l’agression que j’avais subi et le deuil que je vivais mal ainsi que mes conditions de travail qui devenaient insupportables. Elle m’écouta avec une infinie humanité et me donna un arrêt de travail d’un mois que je renouvelais plusieurs fois.
Une nouvelle fois en arrêt maladie
Une fois en maladie je me dis que pour me changer les idées, je pourrais profiter de faire des travaux à la maison et lire pour me changer les idées mais je m’aperçu de suite que je n’étais capable de rien faire, je n’avais aucune concentration, ni aucune force; je n’arrivais pas à lire encore moins à dessiner.
Je n’arrivais pas à faire de la musique je ne pouvais que dormir en prenant des anxiolytiques. J’avais décidé d’en finir avec ma vie mais je m’accordais à chaque fois un jour de plus en prenant ces médicaments. Je pris rendez vous par contre de suite chez une psychologue ou de nouveau je m’effondrai en racontant mon histoire. La seule aptitude que je conservai c’était celle d’écrire et ça m’a beaucoup aidé.
Tous les matins je sortais ce que j’avais dans le mental c’était en l’occurrence surtout des rêves. J’avais lu un jour qu’en cas de harcèlement il fallait tenir un journal et c’est ce que j’avais fait pendant des années quand je n’étais pas bien. Le problème c’est qu’une fois le cahier bien rempli on finit en burn-out et on en peut que brûler le cahier qui ne sert plus à rien.
Un jour avant le renouvellement d’un nouvel arrêt maladie, je pris sur moi et décidai d’aller sur mon lieu de travail pour jauger ma capacité à revenir au travail. Mais aucun des deux patrons n’étaient là et deux « collègues » m’encouragèrent sournoisement de ne pas revenir! En entreprise l’empathie, l’entre aide et la solidarité n’existe pas ! Seule la performance compte!
Je sus que je ne pourrais plus revenir mais en discutant avec un des collègues il me raconta que le patron qui m’avait agressé avait raconté de suite cet incident mais dans une version tout à fait déformé comme pour prendre les devant au cas où. Il avait raconté à toute l’équipe qu’il avait vu que je n’allais pas bien parce que j’avais brandi une feuille en criant « j’irai voir l’inspection du travail » comme un fou!
Avant cette agression il faut savoir que quelques semaines auparavant la femme de ce patron était passée au magasin où travaillait mon épouse pour lui dire que j’étais fou. Ces propos étaient apparemment très insultants et dégradants à mon égard car ma femme a mis trois jours avant de pouvoir me le dire tellement elle était choquée. Le travail de sape était déjà bien entamé ! J’avais perdu mon job sans avoir pu stopper les attaques incessantes que je subissais et que j’encaissais !
« Je perdu mon travail et ma santé mais j’espère retrouver l’un et l’autre prochainement. »